Stendhal par Johan Olaf Sodermark, 1840.

  • Emile Zola et la critique du naturalisme

Emile Zola a été souvent critiqué pour sa vision réaliste voire obscène de la réalité. Il se défendait avec les mêmes arguments que Stendhal en disant que ses romans reflétaient la vérité.


  • Les effets de réel dans la nouvelle réaliste

La nouvelle réaliste "Histoire vraie", par son titre, le cliché de l'automne de l'incipit et son récit enchâssé, crée des "effets de réel" puissants pour endormir la méfiance du lecteur.

Histoire vraie de Maupassant


  • « La parole est action » Jean-Paul Sartre

Dans ce recueil d'article, Jean-Paul Sartre justifie sa mission d'écrivain.
Parler c’est agir : toute chose qu’on nomme n’est déjà plus tout à fait la même, elle a perdu son innocence. Si vous nommez la conduite d’un individu, vous la lui révélez : il se voit. Et comme vous la nommez, en même temps, à tous les autres, il se sait vu dans le moment qu’il se voit ; son geste furtif, qu’il oubliait en le faisant, se met à exister énormément, à exister pour tous, il s’intègre à l’esprit objectif, il prend des dimensions nouvelles, il est récupéré. Après cela comment voulez-vous qu’il agisse de la même manière ? Ou bien il persévérera dans sa conduite par obstination et en connaissance de cause, ou bien il l’abandonnera. Ainsi, en parlant, je dévoile la situation par mon projet même de la changer, je la dévoile à moi-même et aux autres pour la changer; je l’atteins en plein cœur, je la transperce et je la fixe sous les regards ; à présent j’en dispose, à chaque mot que je dis, je m’engage un peu plus dans le monde, et du même coup, j’en émerge un peu davantage puisque je le dépasse vers l’avenir. Ainsi le prosateur est un homme qui a choisi un certain mode d’action secondaire qu’on pourrait nommer action par dévoilement. Il est donc légitime de lui poser cette question seconde : quel aspect du monde veux-tu dévoiler, quel changement veux-tu apporter au monde par ce dévoilement ? L’écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer, et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer. Il a abandonné le rêve impossible de faire une peinture impartiale de la société et de la condition humaine. L’homme est l’être vis-à-vis de qui aucun être ne peut garder l’impartialité, même Dieu. Car Dieu, s’il existait, serait, comme l’ont bien vu certains mystiques, en situation par rapport à l’homme. Et c’est l’être qui ne peut même voir une situation sans la changer, car son regard fige, détruit ou, comme fait l’éternité, change l’objet en lui-même l’écrivain engagé sait que les mots, comme dit Brice Parain, sont « des pistolets chargés ». S’il parle, il tire. Il peut choisir de se taire, mais puisqu’il a choisi de tirer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles et non comme un enfant, au hasard, en fermant les yeux et pour le seul plaisir d’entendre la détonation. Nous tenterons plus loin de déterminer ce que peut être le but e la littérature. Mais dès à présent nous pouvons conclure que l’écrivain a choisi de dévoiler le monde et singulièrement l’homme aux autres hommes pour que ceux-ci prennent en face de l’objet ainsi mis à nu leur entière responsabilité. Nul n’est censé ignorer la loi parc qu’il y a un code et que la loi est chose écrite : après cela, libre à vous de l’enfreindre, mais vous savez les risques que vus courez. Pareillement la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent. Et comme il s’est une fois engagé dans l’univers du langage, il ne peut jamais feindre qu’il ne sache pas parler : si vous entrez dans l’univers des significations, il n’y a plus rien à faire pour en sortir ; qu’on laisse les mots s’organiser en liberté, ils feront des phrases et chaque phrase contient le langage entier et renvoie à tout l’univers ; le silence même se définit par rapport aux mots comme la pause, en musique, reçoit son sens des groupes de notes qui l’entourent. Ce silence est un moment du langage ; se taire ce n’est pas être muet, c’est refuser de parler, donc parler encore.
Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Gallimard, 1948, pages 27-30.


  • CYRANO de BERGERAC, Les États et Empires du Soleil, 1662.

Le roman de Cyrano de Bergerac annonce les prémices de la science fiction : le narrateur accomplit un voyage étonnant dans l'espace. Il se rend sur le soleil et rencontre des oiseaux qui lui font un procès, parce qu'il est un homme. Ce texte fantaisiste permet de mettre en lumière les défauts humains par un moyen détourné. Une perdrix nommée Guillemette la Charnue, blessée par la balle d’un chasseur, a demandé devant un tribunal des Oiseaux réparation « à l’encontre du genre humain ».

Plaidoyer fait au Parlement des oiseaux, les Chambres assemblées, contre un animal accusé d’être homme.
« Examinons donc, messieurs, les difficultés de ce procès avec toute la contention1 de laquelle nos divins esprits sont capables.
« Le nœud de l’affaire consiste à savoir si cet animal est homme et puis en cas que nous avérions qu’il le soit, si pour cela il mérite la mort.
« Pour moi, je ne fais point de difficultés qu’il ne le soit, premièrement, par un sentiment d’horreur dont nous nous sommes tous sentis saisis à sa vue sans en pouvoir dire la cause; secondement, en ce qu’il rit comme un fou; troisièmement, en ce qu’il pleure comme un sot; quatrièmement, en ce qu’il se mouche comme un vilain; cinquièmement, en ce qu’il est plumé comme un galeux; sixièmement, en ce qu’il a toujours une quantité de petits grès carrés dans la bouche qu’il n’a pas l’esprit de cracher ni d’avaler; septièmement, et pour conclusion, en ce qu’il lève en haut tous les matins ses yeux, son nez et son large bec, colle ses mains ouvertes la pointe au ciel plat contre plat, et n’en fait qu’une attachée, comme s’il s’ennuyait d’en avoir deux libres; se casse les deux jambes par la moitié, en sorte qu’il tombe sur ses gigots; puis avec des paroles magiques qu’il bourdonne, j’ai pris garde que ses jambes rompues se rattachent, et qu’il se relève après aussi gai qu’auparavant. Or, vous savez, messieurs, que de tous les animaux, il n’y a que l’homme seul dont l’âme soit assez noire pour s’adonner à la magie, et par conséquent celui-ci est homme. Il faut maintenant examiner si, pour être homme, il mérite la mort.
« Je pense, messieurs, qu’on n’a jamais révoqué en doute que toutes les créatures sont produites par notre commune mère, pour vivre en société. Or, si je prouve que l’homme semble n’être né que pour la rompre, ne prouverai-je pas qu’en allant contre la fin de sa création, il mérite que la nature se repente de son ouvrage ?

1. Contention : Effort, application