Albert Fourié, Un repas de noces à Yport (1886)

* Celse, De la Médecine Ier siècle apr. J.-C.

« Ut alimenta sanis corporibus agricultura, sic sanitatem aegris Medicina promittit. »

Comme l’agriculture promet des aliments aux corps sains, la médecine promet la santé aux corps malades.

* Pétrone, Satyricon (Ier siècle apr. J.-C.)

Voici un extrait du banquet chez le riche affranchi Trimalcion.

« XLIX. Il n'avait pas craché toutes ses sottises, lorsqu'un plateau chargé d'un énorme porc parut sur la table envahie. Chacun d'admirer tant de diligence, et de jurer qu'un poulet n'aurait pu être sitôt cuit ; d'autant mieux que le porc nous paraissait bien plus gros que tout à l'heure le sanglier. Cependant Trimalchion, qui l'examinait de plus en plus attentivement, s'écria : - Comment ! comment ! ce porc n'est pas vidé ? Non, par Hercule ! il ne l'est pas. Faites, faites comparaître le cuisinier. - Et voilà l'esclave debout devant la table et penaud, qui dit qu'il a oublié. - Comment ! oublié ! Ne dirait-on pas qu'il n'y manque que le poivre ou le cumin ? Dépouillez-moi ce maraud. - Aussitôt fait que dit : on met tout nu le cuisinier, qui se tient d'un air piteux entre ses deux exécuteurs. L'assemblée intercède : - C'est une faute ordinaire ; nous vous en prions, faites-lui grâce ; s'il y retombe, aucun de nous ne sollicitera pour lui. - J'étais, moi, d'une sévérité implacable ; je n'y tenais plus, et, me penchant vers l'oreille d'Agamemnon : - Certes, lui dis-je, il faut que ce valet soit un fier vaurien est-ce qu'on oublie de vider un porc ? Non, pardieu ! je ne lui ferais pas grâce, ne s'agît-il que d'un poisson. - Trimalchion ne pensa pas de même ; et, déridant son visage tout épanoui de gaieté : - Eh bien, puisque tu as si mauvaise mémoire, vide-le devant nous. - Le cuisinier remet sa tunique, saisit un coutelas, entame par-ci par-là d'une main circonspecte le ventre de l'animal ; et soudain, par les ouvertures élargies sous le poids qui les presse, boudins et saucisses s'échappent par monceaux.

L. A ce coup de théâtre toute la valetaille applaudit, et cria en choeur : Vive Gaïus ! Le cuisinier fut gratifié d'une rasade, voire d'une couronne d'argent. »

* Gustave Flaubert’ madame Bovary (1857)

Le repas de noces, au chapitre 4

Emma et Charles viennent de se marier. Voici le récit du repas de noces.

C'était sous le hangar de la charretterie que la table était dressée. Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassées de poulets, du veau à la casserole, trois gigots, et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de quatre andouilles à l'oseille. Aux angles, se dressait l'eau-de-vie dans des carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse épaisse autour des bouchons, et tous les verres, d'avance, avaient été remplis de vin jusqu'au bord. De grands plats de crème jaune, qui flottaient d'eux-mêmes au moindre choc de la table, présentaient, dessinés sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux époux en arabesques de nonpareille. On avait été chercher un pâtissier à Yvetot, pour les tourtes et les nougats. Comme il débutait dans le pays, il avait soigné les choses ; et il apporta, lui-même, au dessert, une pièce montée qui fit pousser des cris. À la base, d'abord, c'était un carré de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches constellées d'étoiles en papier doré ; puis se tenait au second étage un donjon en gâteau de Savoie, entouré de menues fortifications en angélique, amandes, raisins secs, quartiers d'oranges ; et enfin, sur la plate-forme supérieure, qui était une prairie verte où il y avait des rochers avec des lacs de confitures et des bateaux en écales de noisettes, on voyait un petit Amour, se balançant à une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux étaient terminés par deux boutons de rose naturels, en guise de boules, au sommet. Jusqu'au soir, on mangea. Quand on était trop fatigué d'être assis, on allait se promener dans les cours ou jouer une partie de bouchon dans la grange ; puis on revenait à table. Quelques-uns, vers la fin, s'y endormirent et ronflèrent. Mais, au café, tout se ranima ; alors on entama des chansons, on fit des tours de force, on portait des poids, on passait sous son pouce, on essayait à soulever les charrettes sur ses épaules, on disait des gaudrioles, on embrassait les dames. Le soir, pour partir, les chevaux gorgés d'avoine jusqu'aux naseaux, eurent du mal à entrer dans les brancards ; ils ruaient, se cabraient, les harnais se cassaient, leurs maîtres juraient ou riaient ; et toute la nuit, au clair de la lune, par les routes du pays, il y eut des carrioles emportées qui couraient au grand galop, bondissant dans les saignées, sautant par-dessus les mètres de cailloux, s'accrochant aux talus, avec des femmes qui se penchaient en dehors de la portière pour saisir les guides. Ceux qui restèrent aux Bertaux passèrent la nuit à boire dans la cuisine. Les enfants s'étaient endormis sous les bancs.

Emma au bal de la Vaubyessard

Emma, qui s'ennuie ferme dans son rôle d'épouse, déçue par la vie terne et monontone qu'elle mène à Tostes, voit l'espoir d'une vie romanesque et surprenante renaître lorsqu'elle reçoit l'invitation d'un marquis à un bal organisé dans son château de la Vaubyessard.

« A sept heures, on servit le dîner. Les hommes, plus nombreux, s'assirent à la première table, dans le vestibule, et les dames à la seconde, dans la salle à manger, avec le marquis et la marquise. Emma se sentit, en entrant, enveloppée par un air chaud, mélange du parfum des fleurs et du beau linge, du fumet des viandes et de l'odeur des truffes. Les bougies des candélabres allongeaient des flammes sur les cloches d'argent ; les cristaux à facettes, couverts d'une buée mate, se renvoyaient des rayons pâles ; des bouquets étaient en ligne sur toute la longueur de la table, et, dans les assiettes à large bordure, les serviettes, arrangées en manière de bonnet d'évêque, tenaient entre le bâillement de leurs deux plis chacune un petit pain de forme ovale. Les pattes rouges des homards dépassaient les plats ; de gros fruits dans des corbeilles à jour s'étageaient sur la mousse ; les cailles avaient leurs plumes, des fumées montaient ; et, en bas de soie, en culotte courte, en cravate blanche, en jabot, grave comme un juge, le maître d'hôtel, passant entre les épaules des convives les plats tout découpés, faisait d'un coup de sa cuiller sauter pour vous le morceau qu'on choisissait. Sur le grand poêle de porcelaine à baguette de cuivre, une statue de femme drapée jusqu'au menton regardait immobile la salle pleine de monde. Mme Bovary remarqua que plusieurs dames n'avaient pas mis leurs gants dans leur verre. Cependant, au haut bout de la table, seul parmi toutes ces femmes, courbé sur son assiette remplie, et la serviette nouée dans le dos comme un enfant, un vieillard mangeait, laissant tomber de sa bouche des gouttes de sauce. Il avait les yeux éraillés et portait une petite queue enroulée d'un ruban noir. C'était le beau-père du marquis, le vieux duc de Laverdière, l'ancien favori du comte d'Artois, dans le temps des parties de chasse au Vaudreuil, chez le marquis de Conflans, et qui avait été disait-on, l'amant de la reine Marie-Antoinette, entre MM. de Coigny et de Lauzun. Il avait mené une vie bruyante de débauches, pleine de duels, de paris, de femmes enlevées, avait dévoré sa fortune et effrayé toute sa famille. Un domestique, derrière sa chaise, lui nommait tout haut, dans l'oreille, les plats qu'il désignait du doigt en bégayant; et sans cesse les yeux d'Emma revenaient d'eux-mêmes sur ce vieil homme à lèvres pendantes, comme sur quelque chose d'extraordinaire et d'auguste. Il avait vécu à la Cour et couché dans le lit des reines ! On versa du vin de Champagne à la glace. Emma frissonna de toute sa peau en sentant ce froid dans sa bouche. Elle n'avait jamais vu de grenades ni mangé d'ananas. Le sucre en poudre même lui parut plus blanc et plus fin qu'ailleurs. Les dames, ensuite, montèrent dans leurs chambres s'apprêter pour le bal. »

* La Parure de Guy de Maupassant (1884)

Mathilde Loisel s’ennuie dans sa vie de femme d’employé et rêve d’une vie luxueuse.

« Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les délicatesses et tous les luxes. Elle souffrait de la pauvreté de son logement, de la misère des murs, de l’usure des sièges, de la laideur des étoffes. Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas aperçue, la torturaient et l’indignaient. La vue de la petite Bretonne qui faisait son humble ménage éveillait en elle des regrets désolés et des rêves éperdus. Elle songeait aux antichambres muettes, capitonnées avec des tentures orientales, éclairées par de hautes torchères de bronze, et aux deux grands valets en culotte courte qui dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du calorifère. Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne, aux meubles fins portant des bibelots inestimables, et aux petits salons coquets, parfumés, faits pour la causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes, les hommes connus et recherchés dont toutes les femmes envient et désirent l’attention. Quand elle s’asseyait, pour dîner, devant la table ronde couverte d’une nappe de trois jours, en face de son mari qui découvrait la soupière en déclarant d’un air enchanté : « Ah ! le bon pot-au-feu ! je ne sais rien de meilleur que cela... » elle songeait aux dîners fins, aux argenteries reluisantes, aux tapisseries peuplant les murailles de personnages anciens et d’oiseaux étranges au milieu d’une forêt de féerie ; elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles merveilleuses, aux galanteries chuchotées et écoutées avec un sourire de sphinx, tout en mangeant la chair rose d’une truite ou des ailes de gélinotte.

Elle n’avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n’aimait que cela ; elle se sentait faite pour cela. Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée.

Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu’elle ne voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant. Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de désespoir et de détresse. »

* Citations diverses :

Citations nourriture

Fonds épicurien

École italienne (XIXe siècle), Moines cuisinant, huile sur toile encadrée, 18 x 23 pouces. Photo © Clars Auction Gallery

* Natures mortes et nourriture

Natures mortes